

Dans cette série, il est question de la dualité du corps et de l’esprit. Tout être humain vit dans deux mondes : celui, objectif, de ce qu’il perçoit du monde qui l’environne, et celui, subjectif, de sa perception intime, de l’image qu’il se fait de lui-même et des autres. Le corps se situe pour chacun d’entre nous à la frontière de ces deux mondes : il est à la fois perçu par celui qui l’habite comme un objet du monde extérieur, et le lieu de la subjectivité, de l’expérience intime, l’incarnation de l’image de soi.
La photographe explore plus particulièrement la distance qui s’opère parfois entre le corps et l’esprit. Certains de nos états émotionnels nous conduisent à ne pas reconnaître ce corps que nous habitons. « Je me regarde mais je ne me reconnais pas ». Nous avons la sensation de regarder notre corps comme celui d’un autre, d’une autre, d’être en dehors de ce corps que nous observons comme un élément extérieur. Nous sommes alors dénués de toute sensation physique, nous sommes comme vides.
En prenant cette distance, elle joue avec ce corps. Elle le découpe, le superpose, le fait jouer avec les ombres, et la lumière. Ce corps devient sujet, il s’impose et il dit finalement quelque chose de soi, il se relie à soi pour en reprendre possession.
L’utilisation du noir et blanc et l’effet de solarisation accentue l’exercice de distanciation, jusqu’à lui conférer un effet quasi abstrait ,un effet irréel. Les formes parfois ne sont plus nettes mais pourtant on devine la partie du corps photographié. On ne fait plus la différence entre ce qui est réel ou pas. Est-ce le corps qui est photographié ou l’ombre de ce celui-ci?
Ce n’est plus un corps qui est le seul réceptacle d’un esprit, mais un corps qui incarne l’esprit du moment